Exemple particulièrement célèbre de
pécha pour les tibétains, la "
yum chen mo" (désignant la grande mère, c'est-à-dire la mère des
bouddhas). Les tibétains emploient quelquefois ce terme lorsqu’ils parlent de la
Prajñā-pāramitā et de l’état d’illumination qui fait qu’un individu est un
bouddha résultant d’une compréhension parfaite des enseignements de cette dernière. La
Prajñā-pāramitā est une collection de pesant volumes constituants un objet de culte. Les bouddhistes fortunés en achètent la collection complète où chaque volume est soigneusement enveloppé dans une étoffe de soie ou de coton appelée "robe du livre" (par respect pour l’écriture sacrée qu’elle enveloppe).

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Selon la dépense que leur propriétaire peut se permettre, les volumes sont enserrés entre deux planchettes qui peuvent être de bois brut, de bois laqué, sculpté ou même doré à l’or fin. Ces livres ainsi empaquetés sont placés dans la bibliothèque du
lha kang (sorte de chapelle) de leur propriétaire qui ressemble à des pigeonniers (chaque
pécha occupant une case séparée).

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Sauf chez les érudits, appartenant à l’intelligentia tibétaine, ces bibliothèques sacrées ne contiennent généralement que les ouvrages les plus connus : la collection des 108 volumes du
kangyur (traduction des paroles du
Bouddha), quelquefois les 125 volumes du
tengyur (traduction des commentaires des enseignements et des travaux divers du
Bouddha) et parfois encore quelques commentaires et ouvrages philosophiques divers.
Des bibliothèques plus modestes ne comprennent parfois que la
Prajñā-pāramitā en cent mille versets (nommée également,
bum), ou seulement celle en vingt cinq mille. De nos jours, de moins en moins fournies, les bibliothèques en arrivent à ne contenir que quelques livres tels que le
dorje tcheu pa (
sūtra du « diamant coupeur ») ou les louanges de la déesse
Drölma.
Les tibétains ignorants se soucient d’ailleurs peu du contenu des livres qu’ils achètent et ceux-ci demeurent chez eux de simples objets de décoration et de culte du
lha kang, auxquels on rend hommage en allumant des lampes à beurre de rituelles et en se prosternant devant eux. Bien souvent, nul ne songe à en lire une ligne, sauf lorsque, dans le but d’acquérir des mérites religieux, d’obtenir la guérison d’un malade ou la prospérité d’un troupeau, des récoltes ou des entreprises commerciales, le propriétaire de la bibliothèque demande chez lui quelques
trapas (moines lamaïstes), exceptionnellement un
lama pour réciter les écritures pendant un temps allant d’une journée à un mois.
Le texte de la
Prajñā-pāramitā est très souvent choisi à cet effet et, d’ordinaire aucun des
trapas qui le psalmodient ne comprend un seul mot des syllabes qu’il prononce. Néanmoins, ceci rentrant dans le cadre de la religion populaire tibétaine et des résultats matériels heureux sont attendus de ces manifestations dévotes.
Comme nous le savons, les grands bouleversements de l’histoire sino-tibétaine ont poussé une très grande partie des Tibétains à l’exode (à partir de 1959). Les maîtres et moines bouddhistes n’emportèrent dans leur fuite vers l’Inde que l’essentiel : les textes bouddhiques les plus sacrés. Plusieurs milliers de volumes, furent ainsi sauvés de la destruction.

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Pour les bouddhistes tibétains, le caractère sacré des textes réside davantage dans leur contenu que dans le support par lui-même. En effet, ces textes véhiculent la parole du
Bouddha et les exégèses des pratiquants qui au cours des siècles ont atteint le même résultat que le
Bouddha.
Au Tibet, une immense partie du corpus bouddhique fut détruite dans les années soixante. Quelques rares collections furent cachées (les
termas) et refont surface de nos jours de façon sporadique, au gré des périodes d’apaisement politique. Entre 1976 et 1979, sa Sainteté le 16ème
Karmapa Rangjung Rigpe Dorje organisa la réimpression photomécanique des 324 volumes qui composent le canon tibétain, permettant ainsi la sauvegarde de ce trésor innestimable.
Quand on pense que dans le Tibet ancien, trois ou quatre yaks étaient nécessaires pour transporter la collection des paroles du
Bouddha, alors qu’aujourd’hui...
une simple clef USB suffit !
