Culture : Histoire du tibet

Pour découvrir l'art du Tibet, photos, recettes de cuisines etc.
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Bhikkhus
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Culture : Histoire du tibet

Message par Bhikkhus »

Bonjours à tous. :D

Cette page évolutive sur l'histoire du Tibet a pour but de vous faire découvrir l'histoire (le plus souvent méconnue) de ce pays. J'aborderai progressivement différents sujets que j'ai divisé en 16 paragraphes !

I° - La géographie
II° - Orogenèse
III° - Le yak
IV° - La société tibétaine
V° - L'histoire
VI° - Le bouddha historique
VII° - L'expansion du Bouddhisme
VIII° - Les deux mariages de Songtsen Gampo
IX° - Les relations sino-tibétaines
X° - Les ordres monastiques
XI° - L'émergence de la théocratie
XII° - L’école Gelugpa
VIII° - Résumé
VIV° - Histoire au 19ème et 20ème siècle
XV° - L’invasion du Tibet
XVI° - Le Tibet aujourd’hui

Commençons par le commencement : « L'histoire du Tibet peut se diviser en deux parties : la première partie avec l'établissement et la chute de la royauté dura tout le premier millénaire et la seconde partie avec l'établissement et la chute de la théocratie tout le second millénaire. Nous verrons, au cours de ces deux périodes, que les faits religieux et laïques seront étroitement mêlés ».

I°- Géographie

« Débutons par l'aspect général du pays et de ses habitants. L'altitude moyenne se situe entre 4 000 et 5 000 m. Sa superficie est 4 à 5 fois celle de la France ou près du quart du territoire chinois. Quant à sa population, elle s'établit à 2 millions d'habitants, à comparer au 1 milliard 250 millions de chinois ! Il s'agit donc d'un pays aux conditions de vie extrêmes avec une densité habitée très faible. Le Tibet fût longtemps ignoré de l'antiquité. Pour aller en Chine on le contournait par le col du Karakorum au nord du Cachemire et les oasis du Turkestan. Il suffisait de remonter les fleuves de l'Himalaya pour y pénétrer, me direz-vous ? En fait, au sud, les fleuves traversent des montagnes aux flancs si raides qu'il s'agit souvent de gorges impraticables. Si on trace un chemin de quelques dizaines de centimètres permettant le passage d'un homme seul, il sera emporté à la première pluie et la coulée ainsi créée rendra encore plus difficile tout passage ultérieur. À l'est du Tibet, pour atteindre la Chine, il faut franchir près de 2 000 km de montagnes arides au nord ou boisées au sud... et certains endroits au Sud sont tellement inaccessibles que l'on pense encore y trouver des tribus de pygmées inconnues ».
Bhikkhus
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Re: Histoire du tibet

Message par Bhikkhus »

II°- Orogenèse

« Ce pays est caractérisé aussi par le fait qu'il alimente tous les fleuves d'Extrême-Orient et en substance la Chine. Notons qu’il est le fruit du dernier mouvement important de l'écorce terrestre ! En effet lorsque la plaque australienne a éclaté en trois parties, la portion qui devait former l'Inde dans un rapide déplacement vers le nord a surélevé les sédiments de la mer de Thétis qui forment actuellement le relief des hauts-plateaux tibétains. Si le choc a créé une faille d'où ont jailli des basaltes et les roches dures qui forment le massif de l'Himalaya, les sédiments qui forment les hauts-plateaux tibétains ne sont pas consolidés et le relief est en constante érosion. Le nord-ouest du pays n'a pas d'écoulement à la mer, d'où de grands lacs et des stocks considérables de sel qui serviront de base au commerce avec l'étranger. Le reste du pays servira de berceau aux grands fleuves de l'Inde et de la Chine. Ces fleuves charrient tous des quantités considérables d'alluvions et leurs eaux sont rougeâtres. Dans toute la Chine du centre, l'air est pollué par une poussière fine soufflant de l'ouest et l'eau coule brune au robinet. Au Tibet même, un foulard sur la figure est indispensable pour traverser les hauts-plateaux en été. Quant aux limons, ils ont permis la richesse des pays environnants ».

« Il faut noter que toutes les civilisations antiques sont nées de la même façon : en effet, alors que les rives des fleuves n'étaient pas stabilisées par l'homme, les fleuves recouvraient chaque année des vastes espaces de leurs limons et l'agriculture ne demandait aucun effort. Le grain était semé, les porcs tassaient le sol et on attendait la récolte. Les hommes, délivrés du travail des champs, devenaient disponibles pour construire des palais et former des armées toujours sur le pied de guerre. Le même processus s'est rencontré aussi bien pour Mohenjodaro (civilisation de l'Indus), le Fleuve jaune et le Yangtse que pour le Nil et la Mésopotamie. Ces fleuves nourrissant les peuples, l'Inde vénère depuis l'antiquité le Mont Kailash, au sud du Tibet oriental, à proximité duquel les quatre grands fleuves de l'Inde prennent leur source. Chaque année des milliers de pèlerins en font le tour. C'est aussi de nos jours un lieu de prédilection pour les occidentaux amateurs de trekking, un "must" qu'il convient de ne pas manquer. Ce qui devait aussi fasciner les populations ce sont ces sommets ayant trois ou quatre faces taillées comme des diamants, dirigés vers le ciel et capables de renvoyer les rayons du soleil à des milliers de kilomètres ».

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III°- Le yak

« Sans le yak, qui (d’ailleurs) n'existe nulle part ailleurs dans le monde, le pays serait inhabité. L'animal résiste aux froids les plus rudes, -30°C ou -40°C. Les nuits d'hiver ne lui font pas peur même lorsque le vent souffle. Il fournit tout : la viande, le lait dont on fera du beurre et l'huile le combustible des lampes, les poils longs serviront pour les cordes, les vêtements, les couvertures et le feutre des tentes, la bouse pour combustible, et qui ne servira que pour chauffer l'eau du thé (car elle n'est pas assez énergétique pour réchauffer une maison ou une tente). Le yak, en fait le « dzo », servira quotidiennement comme animal de bât, doux et au pied sûr dans le passage des cols. Le sol reste gelé entre six et huit mois de l'année et il n'y a aucun arbre visible. Qui dit ni arbre, ni charbon, dit absence de chauffage l'hiver et impossibilité d'enterrer ses morts. Seule consolation, le climat est très sain, les ciels sont très bleus, quasiment sans nuage, excepté ceux qui arrivent à franchir ou à contourner l'Himalaya à certaines périodes de l'année ».

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IV°- La société tibétaine

« Une population de nomades est donc disséminée sur un immense territoire. Elle élève des chevaux vendus, jadis, à l'armée chinoise et de tout temps aux paysans des vallées. La sagesse a conduit ceux-ci à cultiver l'orge (qui ne nécessite que trois mois pour produire). Le grain sera stocké dans des silos en pierre qui serviront pour les années de disette. Le climat très sec et frais permet une parfaite conservation (quasi éternelle). Ces paysans construiront villages et châteaux, traceront des routes, unifieront leurs coutumes et leurs langues. Plus tard, ils multiplieront les monastères et toutes sortes de sites religieux. Les Tibétains sont un peuple gai, courageux, toujours en activité et si le monastère, la maison et les champs sont en ordre, on se réunira sous des tentes blanches. Les hommes joueront aux dominos ou à d'autres jeux, on récitera des poèmes épiques, on boira un alcool d'orge peu alcoolisé « le chang », les femmes formeront des rondes et chanteront des mélopées. On effectuera régulièrement des pèlerinages sur les sites sacrés qui peuvent être des lacs, des montagnes ou des monastères éloignés. Les habitants des vallées seront, à richesse égale, plus raffinés que les paysans d'Europe. Il y aura souvent dans les maisons une petite bibliothèque, un oratoire, des bijoux, des meubles décorés. Chose assez difficile à comprendre et à appréhender pour nous autres, mais comparé à nos cerveaux occidentaux surmenés et saturés d'informations par les nombreuses chaînes de télévision, la radio, internet, les jeux-vidéo, etc… le cerveau des hommes des hauts-plateaux ressemble un peu à celui d'une page vierge. Aussi est-il courant de rencontrer chez des êtres apparemment rustres et misérables des hommes capables de réciter des heures durant des légendes comme celle de Gésar qui comprend plus de cent mille vers » !

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V°- Histoire

« Nous allons voir ce qui s'y est donc passé durant le premier millénaire. Si l'on en croit les traditions et les légendes de l'ancienne religion dénommée Bön, l'homme serait issu d'un singe et d'une démone des rochers qui vivaient dans la vallée du Yarlung. À l'endroit où les jeunes singes jouaient dans cette vallée, on a appelé un de ces villages Tsethang ou « plaine des jeux ». C'est aujourd'hui une des villes les plus importantes du Tibet. Récemment, on a trouvé des traces de vie et des vestiges de villages néolithiques au Tibet Central un site de fouilles est situé à 5km au nord de Lhassa. Hérodote (vers 350 av.J-C) parle d'un pays habité par des fourmis géantes qui fouissaient de sables d'or. De nos jours on trouve des orpailleurs au nord de l'Himalaya qui laissent derrière eux des monticules de sable qui ont la forme de termitières !! On voit comment l'information peut se transformer et virer au fantastique. Les premières incursions tibétaines en Chine proviennent des tribus K'iang, originaires des steppes arides du nord-est du Tibet, à l'époque des Tchéou, c'est-à-dire à l'époque où vivaient Confucius et Lao-tseu, environ vers -550 avant J-C. Elles se poursuivront pendant plusieurs siècles ».

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Message par Bhikkhus »

VI°- Bouddha

« À la même époque, naissait à Kapilavastu, dans un petit État situé au sud du Népal actuel, le Prince Siddharta, le futur Bouddha. Ses parents lui assurèrent une jeunesse dorée où toute contrariété lui fut épargnée (en regardant de près, c’est une situation bien similaire à celle que connaît notre jeunesse actuelle). Aussi, à l'adolescence, il sortit en ville et découvrit toutes les misères du monde. Un soir, il croisa un vieillard moribond, puis un homme atteint de la peste noire qui poussait des cris de douleur et un cadavre qu'on portait sur un bûcher. Il eut alors un choc et décida de changer sa destinée.

Une nuit, il quitta le palais définitivement et se joignit à un groupe de moines qui prêchaient la bonne parole de ville en ville. Il changea à plusieurs reprises de sectes. Les unes prêchaient la miséricorde mais les moines en profitaient pour faire ripaille avec la recette, d'autres prônaient jeûnes et privations, mais cela n'apportait rien de positif, ni au corps, ni à l'esprit. Alors, il partit seul et quelques amis se joignirent à lui. Sans dogme, on ne pouvait haranguer la foule et subsister. Un soir, près de Gaya, il sentit venir à lui la révélation de ce qu'il cherchait depuis longtemps et qu'on a appelé depuis l'Illumination. Il s'assit sous un figuier et décida de ne pas se relever avant d'avoir tout compris.

En effet, dans le monde, il y a les animaux, des êtres dépourvus de conscience et donc non responsables de leurs actes, pour qui les malheurs de l'existence sont sans explication. Il y a des individus dépourvus de morale qui sont capables d'accomplir les plus sombres méfaits pour satisfaire leurs désirs. Il y en a d'autres qui, bien que non méchants, sont cupides et travaillent pour s'enrichir (sans succès parfois) et enfin il y a ceux comme lui qui souhaitent une existence où l'individu, dépassant son cas personnel, recherche une vie saine, en harmonie avec la nature, les animaux et surtout les autres hommes. De plus, cette force morale doit placer la conscience à un niveau où les misères terrestres sont contrôlées par l'esprit et sans effet sur notre mental. Ainsi la douleur et toutes les misères terrestres pourront être dominées. L'esprit de la conscience s'élèvera au niveau des dieux tels qu'on pouvait les imaginer à cette époque : des êtres hors des vicissitudes humaines et en dehors du temps.

Ce jour-là, il définit les douze étapes qui marquent la vie d'un individu : la découverte des cinq sens, de la connaissance, de l'amour, la création d'une famille, l'accumulation de biens, etc… De plus, la vie n'est-elle pas qu'une suite ininterrompue de naissances et de renaissances. Cette conscience qui nous est donnée à la naissance, si elle est bien utilisée, si elle est progressivement enrichie par la connaissance, par l'humanisme et par beaucoup de générosité, elle transcende l'humain vers un niveau de bonheur bien supérieur encore. Ainsi toute action, toute parole, correspond à une énergie qui aura un effet soit positif (vers dieu ou un idéal de l'homme), soit négatif (vers l'animal) suivant qu'elle fera le bien ou le mal. De même, notre conscience laissera son empreinte dans l'esprit des générations futures. On dira donc qu'elle ne meurt pas. Les règles de vie sont simples.

1°- Il faut éviter les conflits et tout type d'agressivité.
2°- Il faut rechercher la connaissance et à toute occasion, essayer de s'instruire, car plus nous aurons appris, plus nous serons près de la vérité.
3°- Enfin il faut vivre simplement en évitant tout désir superflu (notamment matériel).

Quand le Bouddha eut défini les misères de l'homme, leurs causes et comment y remédier, il se leva et rejoignit ses disciples près de Bénares. Le Bouddhisme conquit progressivement toute l'Asie. Cette « religion », ou plutôt façon de penser, qui n'avait aucun dogme précis, ni interdit sectaire, se vit peu encouragée, bien plus tard, quand de nouveaux conflits embrasèrent l'Inde du Nord. L'Indouisme et l'apologie de ses dieux guerriers prirent alors le dessus et la doctrine bouddhiste continua à progresser vers le nord, au Tibet, en Chine, au Japon et vers le sud-est asiatique, à Ceylan, en Thaïlande, au Cambodge, etc... »

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Re: Histoire du tibet

Message par Bhikkhus »

VII°- Expansion du Bouddhisme

[Attention: grosse partie que l'expansion du Bouddhsime, mais ô combien importante dans l'histoire de ce pays].

« Après la mort du Bouddha historique, des stèles, des stupas et des monuments furent construits partout où il était passé. Ses disciples se réunirent un an après sa mort à Rajagrha, capitale du Maghada, en vue de rédiger le canon bouddhique. Celui-ci se décompose en trois « Corbeilles » (le fameux tripitaka) : (1°)- Le Vinaya (la discipline), (2°)- les sutras (les enseignements du Bouddha) et (3°)- l'Abbidharma (la métaphysique ou l'ordre des choses). De nombreux conciles suivirent. On imagina qu'il ne serait pas unique mais que d'autres Bouddhas, ceux qu'on devait dénommer les Tathagathas l'avaient précédé, puis on définit le statut des Boddhisatvas. Qui sont-ils? Ce sont de futurs Bouddhas qui, avant d'être délivrés, sont restés à mi-chemin, et se sont donné pour mission d'aider les hommes à réduire le nombre de renaissances en vue d'accéder plus rapidement à la délivrance. Ce sont eux qui recevront nos prières. Lorsqu'on fixe l'image d'un Bouddha, il n'y a pas de communication avec lui, car il est hors de ce monde ; par contre si on fixe un Boddhisatva, celui-ci vous transmettra cette force que vous lui demandez.

Pour ceux qui s’intéresse au Tibet et à ses grands personnages, vous connaissez probablement les deux autorités religieuses que sont le Dalaï-Lama et le Panchen-Lama. Le Dalaï-lama, qui représente un Boddhisatva, sera plus vénéré que le Panchen-Lama, qui ne représente qu'un Bouddha. En -250 avant J-C, une école émit l'hypothèse que le Bouddha et ses assimilés ne seraient que des produits hors de toute existence concrète. Alors, au sein de l'Université indienne de Nalanda, un personnage légendaire, Nagarjuna fonda l'école des Madhamika (ou « Voie Moyenne » c'est-à-dire, entre existence concrète et existence non concrète), qui eut une importance capitale dans la diffusion de la religion en Chine et au Tibet.

Les écritures se multiplient et plus les textes raccourcissent plus ils sont chargés de symboles dont le sens va nous échapper. Des textes qui se nomment les Prajnaparamitas ou « extrême de l'intelligence transcendantale » vont développer la doctrine du vide (la vacuité) à travers des textes dont le « délire verbal » nous dépasse, mais dont la lecture nous rapproche de la délivrance. La notion de vacuité prend forme. Le « tantrisme » ou exercice du bouddhisme qui s'en suivit, copiant le thème du couple Shiva-Kali, introduit aussi des manifestations féminines (dakkinis, yoginis, etc…) dans le panthéon bouddhiste. Cette nouvelle forme de bouddhisme s'appelle le Mahayana (grand véhicule) alors que sa forme primitive dépouillée que l'on rencontre dans le sud-est asiatique (Thaïlande, Birmanie, Cambodge, etc…) se nomme Hinayana (petit véhicule). Je reviendrai sur le sujet ultérieurement.

Les premiers textes du Mahayana arriveront en Chine vers 65 après J-C. De nombreux voyageurs chinois, Fa-hien, Hiuan-tsang, etc... viendront au Maghada pour rechercher des ouvrages. Quelle route suivent-ils ? La route de la soie, celle qui traverse l'Himalaya dans le massif de Karakorum, la route même qui sera empruntée par la célèbre expédition Citroën France».

« Revenons à l'histoire et faisons un détour par Dunhuang sur la route de la soie. On ne connaîtrait que peu de choses de l'histoire du Tibet du premier millénaire sans la découverte d'une bibliothèque tibétaine au Kansou, sur la route de la soie. Il y avait là des grottes bouddhistes. Chaque grotte, dont les murs sont couverts de Bouddhas peints, était entretenue héréditairement par les membres d'une même famille ou d'un même clan. Elles furent entretenues jusqu'au XIème siècle. Dans une de ces grottes, un pan de mur cachait une ancienne bibliothèque qui avait été murée en catastrophe devant l'arrivée des armées chinoises, une première fois en 839, puis définitivement en 1035. Aux européens de passage, vers 1900, des pasteurs mongols proposèrent des rouleaux de manuscrits anciens. Les Anglais, flairant la bonne affaire, dépêchèrent Sir Aurel Stein qui réussit à ramener en 1905 plusieurs caisses de rouleaux, qui se trouvent aujourd'hui à l'India Office à Londres. En 1908, la Société Indochinoise de la Société de géographie de Paris envoyait M.Paul Pelliot qui, grâce à des connaissances plus approfondies en chinois, ouighour, tibétain, mongol, brahmi, etc…, put faire un meilleur tri et ramena les œuvres les plus intéressantes qui restaient et qui se trouvent actuellement à la Bibliothèque Nationale ».

« Ces textes confirmaient la tradition des premiers royaumes dans la vallée du Yarlung (située au sud-ouest de Lhassa et qui débouche sur le Bramapoutre). Le plus ancien château connu, celui de Ombulhakang domine la vallée et daterait de trois siècles avant notre ère. Un texte donne une longue liste de rois (sur trente générations) avant l'arrivée sur le trône du roi confédérateur et bouddhiste Songtseng Gampo en 641.
Le premier roi de la liste, Gnya-khri-tsan-po, serait issu de la dynastie des Licchavi qui régnait au Népal. Son père l'avait déposé dans le Gange et il fut sauvé par un paysan. Ses frères l'ayant recherché pour le tuer, il franchit l'Himalaya. Les pasteurs de l'autre versant le crurent tombé du ciel, ils l'adorèrent et en firent leur roi. La première dynastie comprend sept rois, tous magiques, non morts, les Nam-la-Khri « qui trônent au ciel », ils n'ont laissé aucune trace sur terre. Ils descendaient du ciel par une corde sur un des monts aujourd'hui sacré du Tibet : le Bon-ri dans le Kong-po, le Yarlha-shampo où le Yarlung prend sa source ou le Chag-po-ri, la colline du Potala et repartaient de même, à l'exception du dernier : Drigum « tué par l'épée » qui serait mort en 414 dans une rixe. Au cours d'une beuverie avec ses amis, il les provoqua en duel et l'un d'eux accepta le combat. Pendant le combat, il coupa par inadvertance la corde magique « dmu » qui le reliait au ciel et fut mortellement blessé. Le vainqueur exila ses fils et prit sa place. On dit que Dri-gum introduisit le premier le bouddhisme et la nouvelle religion s'appela « Bön ». Celle-ci ajoutait au chamanisme issu de l'Empire des steppes, un nouveau dieu, le Bouddha, ainsi que les concepts de la lutte contre la douleur et ses causes, du cycle des renaissances et de la délivrance. Les annales historiques décrivent le développement de l'irrigation, la plantation d'arbres, la construction de ponts, l'usage du joug et de la charrue, le travail du cuivre, du fer et de l'argent. Les historiens chinois notèrent l'excellence de leurs armes, de leurs armures et cottes de mailles. Les rois utilisaient des maîtres de palais et des ministres. Il y avait dix-sept provinces qui sont citées, soit par leur nom de clan, soit par leur nom de territoire, soit par le nom des attributs ou animaux qui ornaient leurs oriflammes ».

« Très fort pour la qualité de leurs armes et de leur cavalerie, les tibétains vont s'enhardir mais ce ne sont pas eux, mais les Turcs, qui vont menacer l'Empire chinois au cinquième siècle de notre ère.
Ces Turcs comprenaient des peuples d'origine très différentes auxquels la langue d'une petite tribu avait servi de ciment. Plutôt que de les affronter, les chinois couvrirent de cadeaux les Tou-you-en qui étaient à leur frontière ce qui eut pour effet de les diviser (Turcs de l'est et Turcs de l'ouest). De plus, les empereurs chinois prirent l'habitude de leur offrir des princesses chinoises. Ce petit détail sera à l'origine du conflit qui va naître entre le Tibet et la Chine ».

« Revenons au Tibet. Au début du septième siècle, le prince tibétain Slon-tsan rétablit l'autorité royale sur les dix-sept provinces et fut surnommé Nam-ri ou montagne céleste. Il envoya son ministre Thonmi-sambhota en Inde pour ramener un système d'orthographe et une grammaire. Les premiers textes connus datent du milieu du septième siècle. Quand Nam-ri mourut le pays était à peu près unifié. Son armée comprenait plus de 100.000 hommes. On retrouve ici les influences chinoises comme les découvertes réalisées aux alentours de X'ian avec la très célèbre « armée enterrée ».
[Suivant leur corps d'armée, les soldats possèdent un sabre, un arc ou une lance. Ils portent des cuirasses et des casques, leur tête est colorée d'ocre rouge ou de sang. Il y avait cinq classes de mandarins ou officiers : pour ceux de premier rang l'insigne était en turquoise, pour le second rang en or, pour le troisième en or sur argent, pour le quatrième en argent et pour le cinquième en cuivre. Chaque insigne était fixée sur une étoffe portée sur l'épaule].
À cette époque, les rois étaient inhumés dans de grands tumulus. Ceux de la vallée du Yarlung sont fameux, mais il en existe un peu partout dans les vallées au sud du pays. Ces tumulus, dont certains ont plus de 120m, de côté se visitent encore. Les noms des rois sont connus. Le cérémonial des funérailles décrit par les textes de Touen-Houang est identique à celui pratiqué précédemment en Chine : "quand le prince meurt, sa femme, ses domestiques, ses amis se tuent et sont enterrés avec lui. On enterre aussi son arc, son sabre, ses joyaux et les chevaux qu'il a montés. Au-dessus, on fait un lieu de sacrifice." »

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Re: Histoire du tibet

Message par Bhikkhus »

VIII°- Les deux mariage de Songtsen Gampo

« Le fils de Nam-ri, Songtsen Gampo, devint roi à treize ans. Il se maria deux fois. Le premier mariage eut lieu avec la Princesse Bri-Tsum, fille du roi du Népal Amçuvarman. Celle-ci, fervente bouddhiste, apporta dans ses bagages une statue de Bouddha en or. Ensuite, le roi envoya une ambassade auprès de l'empereur chinois T'ai-tsong, le deuxième de la dynastie des Tsang, pour réclamer une princesse chinoise mais il essuya un refus. Il attribua ce refus aux Turcs de l'est, les Tou-yu-houen. Les armées tibétaines envahirent le territoire des Tou-yu-houen puis pénétrèrent en Chine. L'Empereur de Chine, après sept années de combats, ne pouvant réduire les armées tibétaines, offrit en mariage la Princesse Wen-tcheng. Selon les annales chinoises, le roi se porta à la rencontre de sa fiancée et pratiqua les rites chinois au Tribunal des rites à Ho-yuan dans le Kansou. Il fut confondu par la splendeur et les coutumes du grand Empire (chinois). En remerciement, il offrit 1100 onces d'or.

La vallée du Yarlung était trop réduite pour abriter une capitale conforme aux vœux du nouveau roi. De plus, une inondation catastrophique avait ruiné cette vallée. Le roi décida alors de s'installer à Lhassa et d'y construire un nouveau palais qui aura pour nom le Potala, ou palais rouge, pour sa femme chinoise. Comme la nouvelle femme chinoise avait apporté également une statue de Bouddha dans ses bagages, un grand temple fut édifié, le Jokhang, pour abriter cette statue. Mais, à 200m du but, le chariot qui la transportait s'étant enlisé dans un terrain marécageux, on assécha cet endroit et on construisit à cet emplacement un autre temple, celui de Ramoche. Après de multiples péripéties, la statue rejoignit le Jokhang alors que la statue de la princesse Népalaise trouva sa place dans le temple de Ramoche. Ces temples sont toujours présents ainsi que les statues.

Jusqu'à l'arrivée du cinquième Dalaï-Lama tous les rois résideront au Potala, mais se feront toujours appeler rois du Yarlung. Les princesses népalaise et chinoise étaient de ferventes bouddhistes, rivalisant de zèle pour édifier des temples et des monastères. Elles seront divinisées comme incarnations de la déesse Tara, Tara verte pour la Népalaise et Tara blanche pour la chinoise. Songtsen Gampo devint très croyant et imposa des règles quasi monastiques à la cour et à ses fonctionnaires !

Avec les mariages avec des Princesses étrangères, les échanges vont se développer, l'encre, le papier puis le thé viendront de Chine, les bijoux de l'Inde ».

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Re: Histoire du tibet

Message par Yaky »

Je n'ose même pas répondre pour pas polluer tes messages. C'est très intéressant à lire !
Karma Drak-pa
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Re: Histoire du tibet

Message par Karma Drak-pa »

Chapeau !
:applause:
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Re: Histoire du tibet

Message par Bhikkhus »

Content que cela vous plaise.
:D
Je rédige la mise en forme de la suite...
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Re: Histoire du tibet

Message par Bhikkhus »

IX°- Les relations sino-tibétaines

« Mais l'amitié avec la Chine prit fin avec Songtsen Gampo. Ses successeurs vont absorber le territoire des Tou-yu-houen qui bordait la Chine et les armées tibétaines en 670 s'emparent de tout le Turkestan aux dépens des Chinois, avant de pénétrer au Setchuan et au Yunan où ils occuperont dix-huit préfectures. Le Népal fut aussi conquis. Le Tibet est à nouveau très puissant et l'Empereur offre une nouvelle princesse. Khri-song-lde-tsan épouse la princesse Kin-tch'eng, mais la paix ne dure pas. A la mort de Khri-song-lde-tsan, les souverains chinois, refusant de traiter les Tibétains en égaux et l'ambassadeur chinois refusant de s'incliner devant le roi, les Tibétains reprirent les hostilité. Ils occupèrent même la capitale chinoise Tch'ang-ngang en 763 et y intronisèrent un empereur fantoche qui ne régna que peu de temps. Une stèle devant le Potala reproduit un de ces traités signés avec la Chine et favorable aux Tibétains. Le Turkestan allait rester dans leur pouvoir pendant près de deux siècles.

Les pratiques guerrières n'étaient pas tendres du tout : les Tibétains sont allés, dans une région, jusqu'à tuer tous les jeunes de moins de trente ans et pour les autres, jusqu'à couper les mains et arracher les yeux. Après cela, certaines villes se rendaient sans résistance. Très souvent, les villes frontalières changèrent de main. A cette période, le bouddhisme se propageait dans toute l'Asie en suivant, comme nous l'avons déjà noté, la route traditionnelle du Karakorum.

A Cha-tcheou sur la route de la soie, un centre important de calligraphie, traduisait en tibétain et en chinois, les écritures bouddhistes rédigées en sanskrit ou en pâli. Ce centre de traduction permit de conserver les documents indiens les plus anciens du bouddhisme qui nous sont parvenus, toutes sortes de documents administratifs montrant comment le pays était gouverné, ainsi que les récits historiques retraçant l'histoire ancienne du Tibet. »

« Les princes tibétains avaient pris l'habitude de se former, soit en Chine dans les Ecoles de Loi (genre E-N-A), soit en Inde dans des Universités bouddhistes. De retour au pays, ils ramenaient souvent avec eux des religieux (ou des savants) indiens et chinois.

De l'Inde, un magicien originaire de l'Indoukush Padma-sambava devait introduire plus avant la doctrine tantrique du Mahayana. Cette fois-ci, il s'agissait de mettre en œuvre les forces occultes pour assurer la délivrance et éviter la succession infinie des renaissances. On pouvait utiliser les méthodes du chamanisme, mais avec des objectifs nouveaux. Padma-sambava réussit à s'imposer auprès des Tibétains après avoir triomphé de tous les magiciens Bön-po, qu'il provoqua les uns après les autres. Sous son impulsion le grand temple de Samye fut construit en 12 ans (vers 775) en prenant pour modèle un temple indien (peut-être celui de Nalanda). Il fit construire également de nombreux temples entre Lhassa et la vallée du Yarlung.

A la même époque, un maître chinois enseignait le quiétisme à Lhassa avec un succès grandissant. Khri-song-lde-tsan fit venir des lettrés indiens dont Cantarakshita et Kalamika pour contrer le groupe chinois. Le conflit s'envenimant, pour calmer les esprits, un grand Concile religieux se tint à Lhassa vers 782 pour départager le maître chinois et le maître indien. Les débats durèrent trois ans.

L'indien qui prêchait l'atteinte graduelle à la délivrance devait l'emporter devant le maître chinois qui prêchait l'atteinte subite par la suppression de toute réflexion, de toute activité mentale. Dans un cas, c'est la multiplication de nos actions pures, voire de nos exorcismes, qui va déterminer notre destin, il y aura de nombreuses réincarnations nécessaires. Dans l'autre cas, c'est en développant en nous la doctrine de la vacuité, c'est-à-dire du vide cérébral, que va jaillir, comme le diamant pur, la délivrance (l'illumination de Bouddha). Cette division, entre "méthode graduelle" et "méthode subite", pour garder la phraséologie tibétaine, a souvent existé dans les guerres de religions. On y trouve le ferment des divisions humaines : les schismes de la religion chrétienne : Cathares, bolomiles, réformés, jansénistes, la droite et la gauche, etc... le cerveau droit et le cerveau gauche».

« Cette forme de débat religieux avec questions et réponses est absolument identique à celle que nous connaissons actuellement dans les monastères tibétains. A une question brève et percutante doit jaillir une réponse dûment documentée. C'est le jeu de tous les jeunes moines pratiquants avant d'entrer en cours. A l'issue du Concile de Lhassa, le parti chinois qui représentait l'ennemi traditionnel ne pouvait être que perdant. Il quitta Lhassa pour Cha-tcheou où nous perdons sa trace. Le dernier grand roi sera Ral-pa-chen ou le chevelu. Plus dévot que guerrier, il va signer des alliances avec la Chine en 821 et 822. Une stèle commémorative fut placée devant l'entrée du Jokhang, le grand temple de Lhassa, elle y est toujours, derrière un mur (pour la protéger des tags et autres graffitis).

Pour favoriser la doctrine Madyamikha ou voie moyenne (dont je vous ai déjà parlé), il va encourager la diffusion d'ouvrages de lecture assez difficile « les Prajna-Paramitas » qui prônent un nihilisme absolu. Il existe des versions en 100 000, 25 000, 8 000 versets (et un résumé en deux pages seulement !). En Occident, si Hamlet dit : Etre ou ne pas être, Nagarjuna dit : Ni être, ni non-être.

La vérité est hors de toute logique, elle est hors de nous. Un bouddhisme qui ne prêchait que la théorie du vide universel n'était guère viable en dehors d'une élite d'intellectuels. Précurseur des méthodes communistes, il va redistribuer les terres agricoles aux paysans, par souci d'équité. Il va même le faire trois fois à trois ans d'intervalle ! Un jour de 836, Ralpachen fut étranglé par son frère Langdarma sous la pression des traditionalistes Bön. Langdarma prit sa place et renvoya les moines étrangers. Mais comme la vie tenait à peu de choses en ce temps-là, il fut assassiné à son tour par un moine déguisé en danseur pendant une fête. Celui-ci décocha une flèche empoisonnée qui lui transperça le cou et le cloua à son siège. Pour la petite histoire, pour fuir, il usa d'un stratagème, il sauta sur un cheval noir, traversa la rivière et le cheval ressorti blanc comme la cape qu'il avait retournée. Les poursuivants, surpris et effrayés, abandonnèrent la poursuite et cela fit un bon sujet pour les représentations théâtrales à venir. Langdarma y sera représenté avec une tête de démon portant de petites cornes. Après sa mort, les fils de Ralpachen se partagent les préfectures. Les garnisons aux frontières se dégarnissent. C'est alors que la Chine en profite pour récupérer les territoires perdus et la bibliothèque de Cha-tcheou sera murée.

A partir de cette époque, le Tibet va se refermer sur lui-même. De cette période glorieuse, le Tibet sera considéré comme un voisin respecté de la Chine, le représentant du Tibet étant toujours assis à la droite de l'Empereur jusqu'à l'arrivée de la République (et le représentant des Mongols à sa gauche) ».

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Bhikkhus
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Re: Histoire du tibet

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X°- Les ordres monastiques

« Au IXème siècle, alors que le bouddhisme déclinait en Inde, que les Mongols devenaient les voisins les plus turbulents de la Chine, et que les musulmans prenaient position en Afghanistan, la dynastie royale des Phagmogrubpa allait réunifier le pays. Elle devait perdurer jusqu'à l'arrivée des Dalaï-Lamas et encourager la diffusion du bouddhisme et l'installation de nouveaux monastères dans tout le pays.

Atisha arriva en 1035 et fonda l'ordre des Kadam-pa. Son disciple Dogmi « l'homme des pâturages » ramena de l'Inde l'utilisation des pratiques sexuelles (lam-bre) pour la réalisation mystique. La religion se répand dans tout le pays profondément. On traduira les ouvrages qui ne l'étaient pas encore et qui formeront le Kandjour (ou Kan-gyur) en 108 volumes. Les textes attribués aux Saints seront regroupées dans un autre ouvrage : Le Tangjour. Konchog Gyalpo fonda le monastère de Sakya en 1073. Marpa transmit à son disciple Milarepa l'art de la récitation des poèmes qu'il avait appris au Bengale et qui sont à l'origine de l'ordre des Kagyüpa. S'appuyant sur les descendants de Milarepa, Düsum Kyenpa fonda l'ordre des Karma-pa (chapeaux noirs). Ils furent les premiers à inaugurer le système des réincarnations successives qui sera, plus tard, adopté pour les Dalaï et Panchen-Lamas. Des ordres monastiques et leurs chapelets de monastères se multiplient partout : Kadam-pa, Kargyû-pa, Karma-pa, Digung-pa, Tsal-pa Phagmodug-pa, Taglung-pa, Dug-pa.

Chacun va rédiger des copies arrangées des écritures canoniques. Ils ne cesseront de faire du prosélytisme et d'envoyer sur les routes des moines qui vont dérouler les fameux tanghkas (nous y reviendrons plus loin) et réciter les textes dont les personnages figurent sur ces peintures. D'autres moines vont se réfugier dans des grottes et vivront à l'abri du monde. Ces ordres vont devenir puissants. Plus tard, ils ne s'opposeront pas entre eux mais à l'ordre des Gelugpa, opposition qui perdurera jusqu'à nos jours, et qui portera en germe tous les malheurs que le pays va rencontrer.

De même que l'Occident vénère ses saints, le tantrisme tibétain va vénérer les siens et développer un Panthéon. Il existe des personnages aux noms assez bizarres comme Tathagatas, Dyani-Bouddhas, des Lokapalas, les boddhisatvas, les représentations des deux princesses, les Taras verte et blanche, et pour finir les représentations des saints terrestres : Ananda le principal disciple de Bouddha, Padmasambhava, Marpa, Milarepa, plus tard Tsong-khapa, etc... Ils sont représentés généralement les jambes repliées, dans la position du Bouddha au moment de l'Illumination. Leur siège est le plus souvent recouvert de fleurs de lotus. Cette fleur symbolise la pureté, elle a en effet une pureté particulière qui semble trop excessive pour être vraie, alors même qu'elle pousse dans des fleuves qui charrient beaucoup d'impuretés, c'est le moins qu'on puisse dire. La position des mains (mudra) rappellera sa fonction : La méditation, l'illumination, l'argumentation, etc... On trouve aussi des personnages peints ou représentés en sculptures autour du grand Bouddha sur l'autel sous forme de représentations courroucées qui auront pour but d'éloigner les démons et les maléfices et enfin des peintures (thanghkas) qui tapissaient par centaines, jadis, l'intérieur des monastères. Ces thanghkas tendues entre 2 baguettes de bois se roulaient facilement et étaient utilisées par les lamas qui prêchaient dans les villages et dont les personnages peints illustraient les textes que ces lamas récitaient.

Très superstitieux, les Tibétains vont construire des édifices religieux à toute occasion et notamment pour commémorer tout lieu où vécut un homme vénéré pour sa sainteté. Les monastères (gompa) sont comme je l'ai donc expliqué, nombreux et représentent souvent de petites villes. Seul lieu où le savoir était jadis dispensé, on trouve autour du Grand Hall d'Assemblée, les pavillons d'astrologie, de médecine, de théologie, de grammaire, de philosophie, etc... Il y aura aussi la résidence des grands abbés et celles plus modestes des lamas et de leurs assistants. Jadis les toits des grands bâtiments étaient couverts de feuilles d'or et c'e devait être un régal pour les yeux.

Chaque jour, le matin de préférence, les habitants des alentours et les pèlerins font la circumembulation (khorwa), le tour du monastère, font tourner avec leurs mains les moulins à prières disposés dans les cours, le long du parcours, et pénètrent dans les temples pour déposer sur les différents autels une petite pièce (en général c'est le petit enfant qui le fera) et un peu de beurre pour alimenter les lampes à huile qui brûlent sans discontinuer, on grommelle quelques prières et le tout se fait assez rapidement comme si le travail des champs attendait. L'autel est entouré de personnages grimaçants, seuls ceux qui ont quelque chose à se reprocher s'en rendront compte, les autres y voient au contraire un apaisement, un lieu où le mal est absent. Parfois les moines sont présents assis sur des coffres bas. Les prières ont lieu le matin dès le lever du jour, on y récite des passages entiers des sutras, des textes canoniques. La voix est chantante, un peu traînante, avec des variations de tons assez mélodiques et, à intervalles réguliers, les instruments se mêlent aux voix. Mais pèlerins et moines ne se mélangent pas : Chacun son karma ».

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Re: Histoire du tibet

Message par Phurba »

Donc Bikkhus si je résume : la petite tête verte d'extra-terrestre, c'est ta signature ?
;)
Le texte ? Ah oui le texte... Super ! :D
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Re: Histoire du tibet

Message par Bhikkhus »

Je m'y attache, en effet.
Le texte... un texte ? Où ça ?
:D
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Message par Bhikkhus »

XI°- Emergence de la théocratie

« Ici nous allons aborder la seconde partie avec l'émergence de la théocratie. La dynastie royale des Phagmogrubpa fournira des soldats aux empereurs de Chine et écrasera les armées musulmanes quand celles-ci voudront envahir l'ouest du Tibet. Ce sera leur dernière action militaire.

Leurs voisins Mongols en étaient restés aux pratiques des shamans et le père de Gengis Khan avait alors attiré des représentants de toutes les religions dans sa capitale en vue de choisir la plus crédible. Les représentants du Pape conduits par Guillaume de Rubrouk avaient fait une excellente impression par la qualité de leur conviction, mais les moines allèrent un jour lui raconter que tous les non-chrétiens finissaient leurs jours en enfer. Son père serait donc allé aux enfers ainsi que tous ses prédécesseurs. L'ambassade eut 24 heures pour quitter les lieux ! (Notez là qu'on peut être rustre et avoir du bon sens).

La religion Nestorienne des chrétiens d'Asie était présente, bien considérée et aurait pu l'emporter. Mais, suivant la même démarche que les Tibétains, les Mongols furent attirés par leur forme de bouddhisme et le petit-fils de Gengis-Khan invita à sa cour le Supérieur du monastère de Sakya, Sakya-Pandita. Quelques années plus tard, en 1260, Koubilaï-Khan appela auprès de lui un autre abbé tibétain célèbre, Phags-Pa, et considéra Lhassa comme une ville sacrée. Cette protection allait assurer la paix au Tibet pour longtemps ».

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Message par Bhikkhus »

XII°- L’école Gelugpa

« Venons-en au développement de l’école (nommée secte selon le bouddhisme tibétain) des Gelugpa ou des réformateurs. Tsong-khapa naquit vers 1360. Avec lui commence une nouvelle renaissance du Bouddhisme. A l'endroit où il naquit, on éleva une chapelle, quand il mourut on ajouta un chörten, puis une génération après, un grand monastère "Kumbum" 100 000 images, (du nom des 100 000 images qui ornaient alors le chörten).

Devenu influent, il voulut rétablir une doctrine plus pure, en interdisant (1-) la magie, (2-) les incantations (mantras) qui engendrent la débauche et la sorcellerie, (3-) les boissons alcoolisées, et (4-) le célibat des prêtres. Il imposa la couleur jaune comme l'avait prescrit le Bouddha. Ce nouvel ordre s'appellera Gelugpa soit « secte des bonnets jaunes » de la couleur de leur coiffe par opposition aux précédentes écoles qui sont habillés tout en rouge.

Tsong-khapa fonda de nombreux monastères : Ganden en 1410 à 20 kms au nord-est de Lhassa, Drepung en 1416 à 5 kms au nord-ouest de Lhassa, Sera en 1419 à 4 km au nord de Lhassa, Gyantse en 1425 dans le Tsang, etc... Ces monastères comptent parmi les plus grands du Tibet, ils hébergeaient chacun plusieurs dizaines de milliers de moines ! Après avoir écrit plus de quarante ouvrages Tsong-khapa meurt en 1419.

Son successeur au monastère de Ganden, Gedundup fondera à Shigatse, au centre des Églises rouges, le monastère de Tashilhunpo en 1447, lequel deviendra ultérieurement la résidence des Tashi-Lamas ou Panchen-Lamas. De plus, Gedundup sera reconnu pontife, c'est-à-dire Chef des Eglises bouddhistes en Chine, par la dynastie Ming, qui a hérité des Mongols, la suzeraineté sur le Tibet. Cette suzeraineté perdurera jusqu'aux années 50 et sera plus nominale que réelle. Elle avait pour contrepartie l'autorité spirituelle des lamas sur l'Empire chinois. C'est ainsi que l'Empereur de Chine sera une marche en dessous du Dalaï-Lama ou du Grand-lama de Pékin pour les consultations d'ordre spirituel et inversement pour les réunions d'ordre temporel. Il faut savoir également que tous les ans, depuis Sontsen Gampo jusqu'au début du XXème siècle, une ambassade, dans chaque sens, apportait des cadeaux pour sceller la paix et l'amitié entre les deux peuples. Comme cette caravane était bien protégée, de nombreux marchands s'y joignaient et elle s'étendait sur plusieurs kilomètres. Même en cas de guerre, l'usage persistait dans le but de faire valoir son bon droit et de rechercher une négociation.

A la mort de Gedundup, le système (bien typique tibétain) de réincarnation que nous connaissons se met en place, et 14 Dalaï-Lamas se succéderont jusqu'à nos jours : Océan des Mérites, de Raison, de la Mélodie, de Science, etc... jusqu'à notre « Océan Gardien de la sagesse ».

Ils resteront sous la protection temporelle des Mongols et de la Chine. La méthode de mise en place de jeunes "dieux-vivants" a tout pour choquer. Toutefois, il ne faut y voir qu'une façon de faire survivre un saint, de la même façon que chez nous, le pape est le successeur de l'apôtre Pierre. Le principe est le même, le mode de sélection est toutefois différent pour tenir compte du principe de ré-incarnation ».

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Re: Histoire du tibet

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VIII°- Résumé

« En résumé, il faut discerner les quatre grandes périodes suivantes : (1° période) 2ème au 6ème siècle : Bön (Pratiques shamanistes + quelques notions de Bouddhisme). (2° période) 7ème au 10ème siècle : Nyingmapas (Bouddhisme incluant des pratiques shamanistes). (3°période) 10-15ème siècle : Karmapas, Kargyugpas, Sakyapas, etc... (Bouddhisme incluant des pratiques tantriques). (4° période) 15ème au 20ème siècle : Gelugpas (Bouddhisme avec des pratiques tantriques marginales) ».

« Alors que la présence de courants différents n'avait posé aucun ou peu de problèmes précédemment parmi les différentes écoles religieuses, le problème de la supériorité des Gelugpa sera à l'origine de nombreux conflits larvés, les anciennes écoles n'acceptant pas de se plier aux nouvelles règles de discipline. En 1630, les partisans des anciennes religions situés au sud du pays s'allient aux derniers Rois tibétains et à des chefs mongols dissidents. Ils s'emparent de Lhassa alors que le 4ème Dalaï-Lama était un enfant. Celui-ci réussit à s'enfuire et fit appel aux Mongols qui, après maintes péripéties, reprirent le contrôle du pays. Alors que le 4ème Dalaï-Lama avait résidé au monastère de Drepung à 3 kms au nord-ouest de Lhassa, le 5ème s'installera dans le Palais royal des rois déchus, au Potala.

Le monastère de Tashilhunpo qui avait été mis à sac, fut reconstruit et le Dalaï-Lama nomma son précepteur, Chos-kyi-gyal-tsan, qui l'avait soutenu pendant cette période difficile, Panchen-Lama, et la réincarnation du Bouddha Amitabha. Le Dalaï-Lama est considéré comme l’une des émanations du Boddhisatva Avalokiteshvara (Tchènrézi en tibétain). A cette époque, l'Églises tibétaine comprenait deux autres Grands Bouddhas vivants qui étaient les représentants du Dalaï-Lama à Ourga et à Pékin.

Une petite anecdote amusante : Pendant cette fameuse guerre, un soldat prisonnier « rouge » fut accusé d'avoir tué un gardien par magie, c'est-à-dire en récitant des mantras. Pour prouver son innocence, il dut montrer sa langue, car on dit que la langue devient noire si on profère un mantra. Comme sa langue n'était pas noire, on fit alors comparaître devant les mandarins tous les prisonniers pour montrer leur langue. Cet exercice fut considéré dans un premier temps comme un acte de soumission puis devint la forme de salut habituel des Tibétains avant l'occupation chinoise.

L'entente ne sera qu'apparente entre le Dalaï-Lama, le Panchen Lama, le Régent et le représentant de la Chine à Lhassa. Le 6ème Dalaï-Lama sera un adepte des femmes, des plaisirs et qui composera une grande quantité de poèmes d'amour : Il sera déposé. Un autre sera assassiné par le Régent qui prendra sa place en dissimulant sa mort pendant 16 ans. Il y eut des luttes et des meurtres à répétition, car le parti chinois voulait toujours imposer un enfant issu d'une famille pro-chinoise. De plus les partisans de l'ancienne religion étaient toujours en tête des rebellions.

En 1727 une armée chinoise vint encore rétablir l'ordre à Lhassa. Idem en 1752. Heureusement que par la suite les Dalaï-Lamas auront tous une conduite exemplaire. Il faut également noter que les Panchen-Lamas refuseront toujours de prendre la place des Dalaï-Lamas, lorsque l'occasion sera propice et même sous la pression des Chinois ».

« À cette époque, des missionnaires jésuites, puis capucins tentent de s'installer à quatre reprises à Lhassa, d'autres dans l'ouest du Tibet, au Lhadak et au Zanskar. Mais comme ils font un prosélytisme excessif, ils se font remarquer et sont chassés les uns après les autres. C'est alors que les Chinois obligeront les Tibétains à pratiquer une politique d'interdiction du pays aux étrangers ».

« En 1778, les Gurkhas annexent le Sikkim puis, encouragés par les partisans de la religion « rouge » qui souhaitaient restaurer leur autorité religieuse, envahissent la province du Tsang. Ils en seront chassés par une armée chinoise en 1791. Cette fois, la Chine, en se retirant, laissera un certain nombre de petites garnisons dans le pays. La paix sera ensuite maintenue pendant tout le XIXème siècle. C'est pendant cette période que, bravant les interdits, des voyageurs européens essaient (et certain arrivent) de pénétrer au Tibet (comme la très célèbre Alexandra David-Néel). Généralement, ils sont refoulés avant d'atteindre Lhassa. Certains sont déroutés avant d'atteindre Lhassa et vont visiter Shigatse. Les premiers récits sont publiés et entretiennent le mystère. Pour mieux connaître le pays, le Survey of India envoie des pandits indiens qui se joindront facilement aux marchands Népalais qui commercent avec les grandes villes tibétaines. Ils vont faire des relevés très précis et rédiger des carnets de route qui fournirent pendant longtemps et même de nos jours les seuls renseignements que nous possédons sur les zones les plus reculées du Tibet ».

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VIV°- Histoire au 19ème et 20ème siècle

« À la fin du XIXème siècle, après avoir entièrement pacifié les marches indiennes de l'Himalaya, les Anglais s'affolent quand ils apprennent que la Russie a des visées sur le Tibet. En effet, des moines bouriates bouddhistes avaient un pavillon dans l'enceinte du monastère de Drepung et un des leurs participait du gouvernement. Un capitaine de l'armée tsariste habillé en moine vint même résider là pendant plus d'un an. Le pouvoir Chinois, très affaibli dans son conflit avec les Occidentaux et le Japon, avait dégarni les garnisons à ses frontières. Les Tibétains faisaient tout pour ignorer les pressions anglaises. Un Traité de commerce signé en 1890 n'ayant jamais connu un début d'exécution, le courrier du Vice-Roi des Indes étant renvoyé sans être ouvert et aucune discussion n'étant donc possible, une expédition anglaise franchit la frontière en 1903 et arrive à Lhassa le 3 Août 1904. Le Dalaï-Lama se réfugie à Ourga chez les Mongols puis se rend au monastère de Kumbum et à Pékin où il assiste même aux funérailles de l'impératrice Tseu-hi et de son fils adoptif. Pendant ce temps, le gouvernement tibétain signe avec les Anglais et les Chinois un nouveau Traité.

Les Anglais se retirent et c'est alors que les choses s'envenimèrent avec les Chinois. Ceux-ci n'avaient pu intervenir dans le conflit avec les Anglais et ayant perdu la face dans cette affaire, un général chinois de la province du Kham, à l'est du pays, multiplia les vexations envers les Tibétains. Ceux-ci se révoltèrent, mais après quelques succès, furent battus et les troupes chinoises, qui n'étaient pas nombreuses, forcèrent les lignes tibétaines par surprise et occupèrent Lhassa en 1910, alors même que le Dalaï-Lama venait d'y rentrer. Cette fois-ci, il reprit le chemin de l'exil en demandant asile aux Anglais et résida quelque temps à Kalimpong.

Sans soutien de la mère patrie et compte tenu du désordre qui régnait en Chine, les troupes chinoises ne purent se maintenir et le Dalaï-Lama rentrait à Lhassa en 1912, réoccupait les territoires perdus dans la province du Kham et proclamait unilatéralement l'indépendance du Tibet. Cette indépendance fut effective jusqu'en 1959. Le Tibet ne cherchera pas à échanger des lettres de créances et des ambassadeurs avec les pays occidentaux (il est probable que peu de pays auraient alors accepté de lâcher la Chine). Il n'en profitera pas pour se débarrasser définitivement de la tutelle chinoise, préférant une situation où les Chinois qui résidaient sur son territoire n'avaient aucun pouvoir, plutôt que d'être obligé de prendre des initiatives et de pratiquer des échanges avec les nations occidentales dont on se méfiait. Le gouvernement tibétain se contentera de tolérer les résidences des représentants de la Chine, du Népal et de la Grande Bretagne à Lhassa et à Gyantse ».

« Le XIIIème Dalaï-Lama fut le seul à gouverner souverainement le pays. Toutefois le conseil qu'il présidait ne chercha pas à donner des responsabilités aux fils des familles aisées qui avaient fréquenté les collèges britanniques et qui auraient pu amener quelques changements novateurs. Après sa mort en 1933, un conseil de régence se mit en place et le 14ème Dalaï-Lama fut recherché (voir à ce sujet l’excellent film de Martin Scorsese « Kundun », l'hisoire de Tenzin Gyatso né Lhamo Dhondup).

Alors que la révolution industrielle bouleversait notre mode de vie occidental, ce pays restait à l'écart de tout progrès. En effet, il restait vraiment trop pauvre en richesses naturelles pour envisager un mode de vie différent et pour attirer les convoitises des compagnies étrangères. Si les habitants des vallées les plus riches qui ne couvrent que 1% du territoire pouvaient prétendre aux bienfaits de la science, le reste de la population n'avait aucun avenir, ce qui conduisait à une société à deux vitesses, et cela personne ne le désirait. Tous les voyageurs qui visitèrent ce pays devaient en garder un souvenir impérissable, non seulement pour la beauté des paysages mais parce que les habitants étaient attachants (voir pour cela les nombreux livres d'Alexandra David Néel).

Que dit le général anglais Younghusband qui dirigeait l'expédition anglaise au Tibet ?

« Au moment de quitter la ville, je grimpais seul sur la montagne la plus proche afin de contempler pour la dernière fois la vallée de Lhassa. Je me tournais vers la ville sainte voilée d'une brume pourpre et je réfléchis sur ce que m'avait dit Ti Rinpoché (le ministre tibétain) quand nous nous étions quittés. Je fus alors insensiblement envahi par une sorte d'exaltation délicieuse, par une immense bonne volonté. Cette joie ne cessa de grandir jusqu'à me faire vibrer le cœur avec une force extrême; plus jamais je ne pourrai avoir de mauvaises pensées, jamais plus être l'ennemi d'un autre être humain, toute la nature, toute l'humanité étaient baignées dans une lumineuse splendeur rose et l'avenir ne serait plus désormais que clarté et joie rayonnante. »

Après l'expédition, le représentant de la Couronne Britannique Sir Charles Bell signe des traités de paix avec la Russie, la Chine, etc... Puis se démet de ses fonctions pour se consacrer à la civilisation tibétaine. Il achète une maison à Lhassa et rédige de nombreux ouvrages pour faire connaître ce pays. De nombreux officiers de l'expédition également se fixeront à la frontière tibétaine près de Kalimpong. Richardson, le représentant britannique à Lhassa, resta jusqu'à l'arrivée des Chinois, refusant toute promotion et même de prendre certains congés en Angleterre.

Si vous n'avez pas lu le livre, je suppose que vous avez peut être déjà vu le film de Jean-Jacques Annaud « Sept ans au Tibet » qui narre (relativement fidèlement) comment deux occidentaux étaient devenus amoureux de ce pays. Pourquoi, Heinrich Harrer qui était un grand sportif, qui avait participé aux Jeux Olympiques, avait fait la face nord de l'Eiger en plein hiver et en solitaire en 1938 et connu le luxe et les honneurs, renonça-t-il, comme son camarade Aufchneiter, de rentrer en Occident et voulu finir ses jours au Tibet ? ».

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Re: Histoire du tibet

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XV°- L’invasion du Tibet

« La chance allait tourner quand la Chine de Mao-Tse-Toung, après s'être débarrassée des armées de Chang-kai-chek, décide de récupérer son bien. Devant la menace, le jeune 14ème Dalaï-Lama prend ses fonctions, par anticipation, à l'âge de 16 ans (également narré dans le film « Kundun »). La Chine pénètre au Tibet en 1950 et signe un traité avec l'Inde qui entérine le retour du Tibet au sein de l'Empire chinois tout en garantissant le maintien de l'autonomie interne du pays, de la tradition religieuse et de l'autorité du Dalaï-Lama et du Panchen-Lama.

Alors un gouvernement favorable aux Chinois se met en place à Lhassa, créé des coopératives agricoles qui diversifient la production céréalière. Les Chinois ne peuvent convaincre les moines de travailler à la construction de nouvelles routes et coupent les monastères de toutes ressources. Ils vident les réserves d'orge des villages et quelques années après, des famines comme le pays n'en avait jamais connues, vont faire entre 500 000 et 1 million de morts ! Des émeutes où se mêlent de nombreux lamas se multiplient dans tout le pays et le peuple demande au Dalaï-Lama de prendre la tête d'un soulèvement, mais que faire devant des troupes prêtes à tirer sans discernement ?

Je le redis mais, le film « Kundun » retrace très bien ces événements. Les paysans fuient dans la montagne. Alors les avions chinois vont tirer sur tout ce qui bouge sur les hauts-plateaux, déciment les animaux à la mitrailleuse et jettent des appas empoisonnés. Des espèces rares, comme le cheval de Prejwalski auraient disparu. Il y aura des centaines de milliers de morts et ceux des hauts-plateaux ne parleront plus. Dans les vallées, les enfants de plus de 2 ans sont retirés à leur mère pour être envoyés dans des camps à la frontière chinoise où ils recevront une éducation 100% chinoise.

Le 10 mars 1959, la population de Lhassa, ayant appris que les Chinois essayent d'attirer de Dalaï-Lama dans un guet-apens, se soulève et oblige ce dernier à fuir. Il se réfugie contre son gré en Inde où le gouvernement lui assigne comme résidence Dharamsala. Des centaines de milliers de Tibétains le suivent alors en exil. Les lamas des anciennes religions Karmapa, Kargyügpa, etc... seront les premiers à venir s'installer en Occident, ils viendront diffuser la doctrine, la leur, où ils font passer le message de leur différence, de leur mantras, etc... et non le message du Bouddha qui est universel ».

« Si l'histoire s'était arrêtée là, il n'y aurait eu que demi mal. Mais le pire était à venir. Le passage de la révolution culturelle et des gardes rouges dans les années 70 eut pour conséquence le pillage des lieux culturels, l'incendie des bibliothèques et la perte de nombreux textes rares qui dataient de plus de 1000 ans, la destruction de près de 2000 édifices religieux et monastères ! Des rapports chinois notent 11 tonnes d'or dans un seul de ces temples détruits !

Toutes les richesses accumulées par tout un peuple pendant des siècles étaient réduites en cendres, dispersées ou volées. Après la destruction de tous les livres tibétains, la campagne de scolarisation oblige les Tibétains à pratiquer la langue chinoise qui n'avait jamais été parlée chez eux. Le drame est que le tibétain est une langue bâtie avec un alphabet et qui peut donc facilement intégrer tout les apports de vocabulaire de l'Occident. En obligeant les Tibétains à passer par les signes chinois, ce qui signifie près de 10 années perdues à apprendre les signes, la tâche est impossible et relègue la population tibétaine au rang de sous-prolétariat dans son propre pays ».

« Le Panchen-Lama tente, le plus longtemps possible, de pactiser avec les Chinois, mais va s'apercevoir que ceux-ci le trompent. Il rédige alors un manifeste en 70 000 caractères chinois pour dénoncer le génocide. Ce rapport nous est d’ailleurs parvenu en occident. Le Panchen-Lama sera emprisonné, humilié publiquement et enfin empoisonné. Alors que la procédure de recherche d'un successeur se met en place, les Chinois font la sourde oreille mais les moines persistent et nomment, sans en référer aux Chinois, un nouveau Panchen-Lama. Le Dalaï-Lama qui aurait dû, peut-être, temporairement se taire, reconnaît l'enfant. Les Chinois (dont la susceptibilité dépasse toute mesure) vont réagir violemment : ils vont emprisonner l'enfant et sa famille puis les faire disparaître. Ils nomment un autre Panchen-Lama, fils d'une famille pro-chinoise, et décident de rééduquer les moines des monastères qui seront obligés de profaner le nom du Dalaï-Lama et de détruire toute représentation de celui-ci. Des mini-émeutes se multiplient et de nombreux moines disparaissent.

En automne 97, un froid exceptionnel décime les troupeaux des hauts plateaux au nord-est de Lhassa, et plus de 50 000 nomades vont mourir de faim et de froid (les greniers d'orge n'existent plus). Pour ne pas que l'Occident et les organisations caritatives soient prévenues à temps, le seul occidental qui travaillait à Lhassa pour le compte d'une association subventionnée par la Communauté Européenne est alors expulsé avant que la nouvelle ne puisse lui parvenir. On ne comprendra que trois mois plus tard. Aujourd'hui, la campagne de ré-éducation se généralise dans tout le pays, comme aux heures les plus sombres du communisme ».

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XVI°- Le Tibet aujourd’hui

« Malgré le nombre croissant de Chinois qui viennent occuper des emplois administratifs au Tibet, les Tibétains continuent à pratiquer leur foi et leur situation ressemble à celle qui fut la nôtre en 1942. Alors même que des Chinois au Tibet adoptent les mœurs du Tibet, que des Chinois en Chine même critiquent l'attitude de leur gouvernement, l'Occident regarde tout cela avec la plus grande indifférence ! Il existe d'autres peuples qui souffrent dans le monde, mais qui demain ne demanderont qu'à en découdre avec leur voisins, à renouer avec les guerres tribales. Ici, il n’y a qu’un peuple courageux et pacifique qu’une relation avec le bouddhisme par un fil invisible relie aux grands mouvements de pensées de l'humanité et aux philosophes modernes.

La question est : comment situer le bouddhisme à la fin de ce siècle ? Le bouddhisme demande de combattre l'agressivité, l'ignorance et le désir de biens matériels (symbolisés par le coq, le porc et le serpent dans la « Roue de la Vie »). Or, les problèmes à affronter ne sont-ils pas la lutte pour la paix, l'adaptation de l'homme aux nouvelles technologies et le respect de l'environnement lié au partage des richesses terrestres. Quel autre mode de pensée pourrait mieux s'adapter à notre futur mode de vie si nous possédons un minimum d'humanité ? Il y trouvera même une synthèse entre des modes de pensée qui hier encore s'affrontaient (l'athéisme et le religieux).

Je n’ai pas eu encore la chance de me rendre au Tibet, mais ceux qui ont eu cette occasion racontent qu’après plusieurs séjours, il y découvre une dimension de l'exercice du Bouddhisme qui leur avait échappé. Notre quête universelle est bien de surmonter les souffrances, de rechercher le bonheur, voire l'amour. Dans la recherche du bonheur, l'Occident a privilégié le travail acharné qui permet l'accès à l'argent puis à l'acquisition de menus plaisirs : des gadgets high-tech, des bijoux, une jolie maison ou une belle voiture, des bons restaurants, des vêtements à la dernière mode, etc... Notre mode de vie occidental (notamment celui des Etats-Unis) est devenu un modèle dans le monde, du moins le croyons nous ! Chez nous, c'est le bonheur qu'on achète, au Tibet, c'est l'amour donné et reçu qui fait le sublime de la dimension bouddhiste de ce pays. Ici, personne n'est prêt à échanger son âme pour les mirages de l'Occident. Ceci n'a échappé ni à Francis Edward Younghusband, ni à Alexandra David-Néel, ni à tous ceux qui en quittant ce pays ont essuyé une larme, car ils quittaient un environnement, un monde qu'ils ne retrouveraient nulle part ailleurs et qui restera un modèle dans l'aventure humaine.

Quand on est Tibétain au Tibet aujourd'hui et qu'on a 20 ans, on ne pense pas à la moto que l'on va acheter, ni au nouvel i-pad ou au dernier gadget vestimentaire à la mode. Au détour d'un chemin près du monastère de Rongbruk (à 5400m d’haltitude), on peut rencontrer des équipes d'adolescents qui participent à la reconstruction des monastères. Ils sont en général jeunes et chantent régulièrement du lever au coucher du soleil. Les jeunes femmes font le ciment, les hommes portent les blocs de pierre, leurs vêtements sont élimés, leur corps frêle mais leur regard rempli de joie.

Il y a comme cela des regards si purs, si rayonnants, comme nous n'en avons jamais ou rarement rencontrés auparavant, qui nous interpellent et que nous ne pourrons plus jamais oublier. Il y a dans ces chants, une joie, une fraîcheur, une gravité qui hanteront nos nuits en quête de sommeil. En fait, plus que les paysages grandioses, les temples couverts de feuilles d'or, ce sont bien ces expressions de bonheur et d'amour qu'on lit sur ces visages qui font que tous les étrangers furent fascinés par ce pays.

Sur place, cela donne forcement envie de s’arrêter et de rester quelques heures avec eux pour les accompagner dans leur travail. On ne vous demandera pas l'aumône, à vous qui avez peut-être sur vous plus d'argent qu'ils n'en gagneront en 10 ans ou dans une vie, car désormais vous avez pris conscience que, ce que vous ferez ou vous donnerez ne regarde que vous seul, c'est votre problème, c'est vous seul qui amènerez votre âme ou votre esprit dans la voie que vous aurez choisie, et pourquoi pas dans cette voie que des Tibétains ont su rencontrer et qui n'est peut-être pas si inaccessible ».

FIN

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Karma Drak-pa
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Re: Histoire du tibet

Message par Karma Drak-pa »

Comme tu débites !!! :shock: :shock: :shock: :shock:
Yeunten Gyamtso
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Re: Histoire du tibet

Message par Yeunten Gyamtso »

FIN
Fin?? Comment ça Fin?? Non non non, tu ne peux pas arrêter comme ça, je suis devenu accroc.
En tout cas merci, c'était génial.
Yeunten Gyamtso
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Re: Histoire du tibet

Message par Yeunten Gyamtso »

Les lamas des anciennes religions Karmapa, Kargyügpa, etc... seront les premiers à venir s'installer en Occident, ils viendront diffuser la doctrine, la leur, où ils font passer le message de leur différence, de leur mantras, etc... et non le message du Bouddha qui est universel ».
Peux-tu en dire plus sur ça, tu veux dire que l'enseignement Kagyu n'est pas authentique?
Bhikkhus
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Re: Histoire du tibet

Message par Bhikkhus »

Non pas dans le sens "pas authentique".

Je veux parler de la différence entre la lignée dite du "Rosaire d'or" (Kagyüpa) qui insiste sur la continuité des instructions orales transmises de maître à disciple contrairement au message du Bouddha qui est universel et intemporel. C'est la différence entre la voie du tantra : Le Vajrayâna et la voie du salut universel : Le Mahâyâna.

La lignée Kagyü-pa est bien spécifique (je pourrais y revenir), mais pour faire une présentation au plus simple :

:arrow: La première syllabe « ka » se rapporte aux textes des enseignements du Bouddha et aux instructions orales du maître. « Ka » a le double sens de la signification éclairée donnée par les paroles du professeur, aussi bien que la force que de telles paroles de perspicacité porte.

:arrow: La deuxième syllabe « gyü » signifie la lignée ou la tradition. L’ensemble de ces syllabes signifie donc « la lignée des instructions orales ».

Dans la seul lignée Kagyü, « la tradition de la pratique », il y eut au fil des siècles un océan d’accomplis, une foule d’êtres qui arrivèrent à l’éveil suprême. Il y a encore aujourd’hui des maîtres qui ont acquis la parfaite réalisation de ces enseignements. Les différents aspects de leur transmission et de leur accomplissement étant parvenus intacts jusqu’à nos jours, ils nous sont ainsi accessibles dans leur totalité, en théorie comme en pratique. Il ne tien qu’à nous d’avoir l’intelligence, le courage et l’énergie de les prariquer.

Le premier des Gurus de Kagyüpa est Dorje-Tchang (sanskrit : Vajra-Dhara) le Bouddha céleste que ceux de Kagyüpa regardent comme l’Âdi-Bouddha. Suivant la croyance ce fut lui qui révéla par télépathie au Yogi Tilopa la philosophie de la Mahâmudra. (Cela commence à devenir compliqué peut être :D ). Retenons pour l'instant que Tilopa fut donc le premier de la succession apostolique terrestre.

:mrgreen:
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