3) Shâkyamuni
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A noter : la robe de cette statue est gravée de tous les événements de la vie du Bouddha. On peut d'ailleurs distinguer l'accouchement de la reine Mâyâdevi
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Shâkyamuni Buddha (SK.), TIB. Sha'kya thub pa
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"Sage des Sakya", nom donné dans le Mahayana au Bouddha historique, Siddhartha Gautama, fils d'un souverain du clan des Sakya. Dans le canon pâli de la tradition theravâdin, on le trouve presque toujours mentionné sous le nom de Gotama et non sous celui de Shâkyamuni.
=> DATES DE LA VIE DU BOUDDHA
Les dates de la vie du Bouddha varient selon les sources, mais toutes sont d'accord sur le fait que le Bouddha vécut quatre-vingts ans.
Selon la chronologie tibétaine dite de Phug-lugs, sa naissance remonterait à 961 av. J.-C. et son parinirvâna à 881 av. J.-C.
Selon la tradition chinoise ancienne de Folin, suivie par les écoles japonaises Jôdo-shinshû et Nichiren-shoshû, ses dates seraient 1061-949 av. J.-C.
Selon les estimations les plus acceptées, notamment dans le Theravâda et en Occident, le bouddha Shâkyamuni serait né en 566 av. J.-C. et son parinirvâna aurait eu lieu en 486 av. J.-C. Cette datation est celle d'Upâli, un Arhat disciple du Bouddha.
Des datations proches, adoptées par L. Renou et J. Filliozat dans "L'Inde classique", donnent 559-478 av. J.-C.
Enfin, les estimations récentes d'érudits japonais, recoupées avec les dernières recherches sur les dates d'Ashoka, donneraient 463-383 av. J.-C.
=> LES BIOGRAPHIES DU BOUDDHA
Le Bouddha naquit à Lumbinî, dans le clan des Shâkya, une haute caste de ksatriya (caste des rois et des guerriers). Fils du roi Suddhodana et de la reine Mâyâdevi encore appelée Mahâmâyâ, il fut nommé à sa naissance Siddhârtha Gautama. On trouve dans la littérature bouddhiste de nombreux récits de sa vie, tant dans les textes theravâdin en pâli (surtout dans la section Vinaya du Canon pâli) que dans ceux des autres écoles anciennes et du Mahâyâna. Parmi eux, le Lalitavistarasûtra des Sarvâstivâdin, le Buddhacarita d'Ashvaghosa et le Nidânakathâ theravâdin nous content en détail sa biographie. Le Mahâparinibbânasutta nous narre en détail la dernière année de sa vie.
=> LES DOUZE ACTES DU BOUDDHA
Dans la tradition indo-tibétaine, la vie du Bouddha est décrite selon douze étapes, "les douze actes du Bouddha" (SK. dvadashabuddhakârya, TIB. mdzad pa bcu gnyis).
1. La descente des cieux Tushita
2. L'entrée dans la matrice.
3. La naissance.
4. L'accomplissement dans les arts mondains.
5. Une vie de plaisirs.
6. Le départ du palais et le renoncement.
7. Les exercices ascétiques.
8. La méditation sous l'arbre de la Bodhi.
9. La défaite des hordes de Mâra.
10. L'atteinte du plein Eveil.
11. La mise en mouvement de la roue du Dharma (l'enseignement).
12. Le passage en nirvâna (parinirvâna).
Dans la tradition theravâdin et sino-japonaise, on ramène le nombre d'actes à huit : descente des cieux de Tushita (JAP. geten), entrée dans la matrice (JAP. takutai), naissance (JAP. shusshô), sortie de la famille (JAP. shukke), victoire sur Mâra (JAP. goma), atteinte de l'Eveil (JAP. jôdô), prédication (JAP. tembôrin) et parinirvâna (JAP. nyûnehan).
1. La descente des cieux Tushita
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Avant sa naissance dans notre monde parmi les êtres humains, le bodhisattva Shvetaketu demeurait dans les cieux Tushita (TIB. dga' ldan) parmi les dieux et les bodhisattva. Après avoir pris la décision de naître parmi les êtres humains, il monta sur le trône, donna un dernier enseignement à l'assemblée des dieux et bodhisattva et plaça sa couronne de précieux joyaux sur la tête du bodhisattva Maitreya, destiné à devenir bouddha après lui. Puis il s'apprêta à quitter Tushita.
2. L'entrée dans la matrice
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Dans le palais du roi Shuddhodana situé à Kapilavastu, dans le Nord de l'Inde, plusieurs signes annonciateurs de la venue d'un grand être se produisirent. Tandis que la reine Mâyâdevi observait un jeûne, ekke rêva qu'elle s'envolait vers les Himalayas et qu'un éléphant royal blanc à six défenses entrait en elle par son flanc droit. A cet instant même, le Bodhisattva fit son entrée dans le monde humain et la terre trembla six fois. C'était le signe, lui dit-on, qu'elle donnerait naissance à un fils exceptionnel : s'il choisissait de demeurer au palais, ce fils deviendrait un monarque univsersel, mais s'il décidait de quitter sa demeure, il atteindrait l'état d'un parfait bouddha.
3. La naissance
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Tandis qu'elle se rendait chez des parents pour y accoucher selon la coutume, la reine Mâyâdevi s'arrêta dans le jardin de Lumbinî. Les signes de la naissance se produisirent et elle enfanta debout, sans douleurs, en se tenant à la branche d'un figuier penché sur elle. Dès sa naissance, le Bodhisattva se tint debout, fit sept pas et s'adressa à chacun des points cardinaux en déclarant : << Je suis né pour l'Eveil, c'est ma dernière naissance en ce monde phénoménal ! >>. Sept jours après sa naissance, la reine mourut.
Alors que le Bodhisattva était encore très jeune, le sage Asita vint à Kapilavastu, reconnut les trente-deux marques majeures et les quatre-vingts signes mineurs d'un grand être (mahâpurusa) sur le corps de l'enfant et renouvela la prédiction selon laquelle l'enfant pourrait devenir monarque universel dans le monde ou bouddha s'il renonçait à cette vie mondaine.
4. L'accomplissement dans les arts mondains
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Sa mère ayant quitté ce monde une semaine après sa naissance, le prince Bodhisattva fut élevé par sa tante maternelle Mahâprajapatî, entouré de tous les égards et bénéficiant des plus grands soins. Il grandit parmi les autres enfants du clan et se révéla être le plus doué d'entre eux. En tant que prince, il fut entraîné dans toutes les disciplines physiques et intellectuelles. Il devint habile dans tous les arts, mais aussi un athlète accompli en archerie et maîtrisa toutes les sciences mondaines telles que la connaissance des langues et des mathématiques.
5. Une vie de plaisirs
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Connaissant la prophétie et craignant que son fils quitte la vie mondaine, le roi Shuddhodana l'entoura de tous les plaisirs et du plus grand luxe. Il prit soin de le protéger de la vue de toute souffrance, si minime soit-elle. Le jeune prince mena ainsi une vie voluptueuse durant toute sa jeunesse et, à seize ans, il fut marié à la princesse Gopâ, la fille de Shâkya Dandapâni, belle entre toutes (on appelle parfois son épouse Yashodharâ, que l'on identifie à Gopâ dans beaucoup de récits).
Avant de lui accorder la main de sa fille, Dandapâni exigea du prince qu'il se soumette à une compétition sportive. Le prince remporta l'épreuve en surpassant tous les athlètes du royaume et déjoua les pièges et intrigues de son cousin Devadatta, jaloux de ses succès.
6. Le départ du palais et le renoncement
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Marié et entouré dans son palais de musiciennes qui << l enchantaient de leur douce voix et de leur badinage >>, le prince était cependant impatient de voir le monde extérieur. Un jour, il ordonna à son cocher de l'emmener dans le parc royal situé à l'extérieur du palais. Le roi avait fait retirer tout spectable affligeant de son chemin, mais les dieux manifestèrent un signe au Bodhisattva.
L'un d'eux prit l'apparence d'un vieillard décrépit et, à sa vue, le Bodhisattva demanda à son cocher : << Ami, qui est cet homme? >> Au prince stupéfait, le cocher expliqua que tout homme subissait la vieillesse. Le prince dit alors : << Honte sur la naissance puisque tous ceux qui naissent doivent devenir vieux ! >>
Lors des deux excursions suivantes, il rencontra un homme malade et un cadavre, et en fut tout autant bouleversé, mais lors de sa dernière sortie, il vit un homme errant parfaitement serein. << Qui est-ce ? >> demanda t-il au cocher. << Seigneur, voici un homme qui s'est retiré du monde. >> Cette vue lui plut et il décida de suivre son exemple. Il avait alors vingt-neuf ans et son fil Râhula venait de naître. Mais sa décision était prise.
Ce soir-là, il s'assoupit parmi ses musiciennes. A son réveil, il les trouva toutes endormies autour de lui : en contemplant leurs corps abandonnés au sommeil, il lui sembla que le riche appartement s'était transformé en un charnier. Juste avant de quitter le palais, il voulut revoir sa femme : dans sa chambre reposait son épouse, la main posée sur la tête de son fils. << Si je soulève la main de ma femme, se dit-il, elle s'éveillera et m'empêchera de partir. Je dois d'abord atteindre l'Eveil puis revenir voir mon fils.>> C'est ainsi qu'afin de trouver une solution à la souffrance et aider tous les êtres, le prince Bodhisattva renonça à la vie princière et aux siens.
Une fois dans la forêt, il quitta ses bijoux et ses habits princiers et dit à son serviteur Khanda : << Rapporte ces bijoux à mon père et dis-lui que, sans ressentiment ni colère, je suis entré dans le bois de l'ascétisme afin de détruire la vieillesse et la mort.>> Avec un rasoir, il coupa ses cheveux en signe de renoncement et revêtit la robe safran des ascètes.
7. Les exercices ascétiques
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Le prince Siddhârtha rencontra le brahmane Arâda Kâlâma qui devint son premier maître. Il apprit les chants védiques et la méditation qui mène à "la sphère du néant", dont il maîtrisa rapidement la technique. Mais il sut qu'il n'avait pas pour autant atteint le coeur de l'Eveil. Arâda lui offrit de partager avec lui l'autorité spirituelle sur ses disciples, mais il déclina son offre et poursuivit sa quête.
Il se rendit alors à Râjagriha auprès d'Udraka Râmapûtra, un maître de yoga qui enseignait une méditation menant à un état de "ni cognition ni non-cognition". Là encore, le Bodhisattva maîtrisa promptement cet état de concentration où la conscience est si subtile qu'elle est pratiquement inexistante. Udraka voulut le prendre pour maître, ce qu'il refusa, conscient de n'avoir pas atteint son but.
Il s'en fut, sur les rives de la rivière Nairanjanâ, pratiquer les austérités. Pendant six longues années, il s'y adonna en compagnie de cinq autres ascètes mendiants, pratiquant des excercices du souffle, restreignant sa nourriture à un grain de riz par jour, et son corps devint faible, émacié et noir, tandis que disparaissaient les trente-deux marques d'un grand être. Même si son esprit était serein, son corps le faisait terriblement souffrir et il décida d'abandonner l'ascétisme, convaincu qu'il n'était pas arrivé au bout de sa quête de la destruction de la souffrance.
A Uruvilvâ, une jeune femme appelée Sujâta le vit méditer sous un arbre et lui offrit un plat de riz. Il l'accepta et revint auprès des cinq ascètes. Outrés, ils lui reprochèrent sa faiblesse et se détournèrent de lui avec mépris. Ayant décidé que les austérités ne sont point la voie qui mène à l'Eveil, il quitta ses compagnons et partit mendier sa nourriture dans les villes. Après s'être nourri et baigné dans la rivière Nairanjanâ, la couleur de sa peau redevint dorée et les marques de son corps réapparurent.
8. La méditation sous l'arbre de la Bodhi
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Il se souvint qu'une fois, avant son départ du palais, il avait éprouvé un état méditatif spontané à la vue d'un laboureur maniant une charrue. Remarquant dans le sillon la multitude des insectes et des vers qui avaient été tués et voyant la fatigue du laboureur, il avait été submergé par la compassion, et son esprit avait atteint le premier dhyâna qui procure paix et félicité. Il résolut de retrouver cet état et de l'utiliser. Voyant là un arbre pipal, il disposa un tapis d'herbes kusha qu'un fermier lui avait offert et vit voeu de méditation au pied de l'arbre jusqu'à l'atteinte de l'Eveil. S'étant assis jambes croisées sur le vajrâsana, le trône de diamant, il y demeura en méditation quarante-neuf jours sans bouger ni manger.
9. La défaite des hordes de Mâra
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Juste avant d'atteindre l'Eveil parfait, le Bodhisattva subit de violentes attaques de Mâra, "le Malin", et livra ainsi son dernier combat intérieur contre l'attachement, la colère, l'ignorance et la foule des passions symbolisées par les armées de Mâra. Mâra lui apparut d'abord sous la forme de Kâma, le dieu de la sensualité armé de flèches et accompagné de ses trois filles désirables. Mais le Bodhisattva demeura imperturbable.
Mâra fit alors appel au sens du devoir d'un prince : << Lève-toi, ô guerrier, suis le Dharma de ta caste, renonce au Dharma de la libération ! Il est inconvenant pour un prince de vivre comme un mendiant ! >> - en vain. Furieux, le Malin lâcha ses troupes hideuses, monstres difformes en tous genres, contre le futur Bouddha. Des ouragans se levèrent. Gnomes grotesques vêtus de serpents, démons au visage grêlé et à la panse énorme, tous lui jetaient des haches, des flèches, des rocs, des brandons enflammés grands comme des montagnes. Mais ces projectiles, arrêtés à mi-course, étaient transformés en une pluie de fleurs par la méditation du Bodhisattva.
Finalement, Mâra s'écria : << Siddhârtha, lève-toi de ce siège qui est mien ! >> Le Bodhisattva répliqua : << Mâra, tu n'as point oeuvré pour la connaissance ni pour le bien du monde ni pour l'Eveil. Ce siège ne t'appartient pas, il est le mien. >> Mâra lui dit alors : << Mais qui portera témoignage de ton Eveil ? >> Le Bouddha toucha alors la terre, disant : << La terre est mon témoin.>> Cette dernière se mit à trembler et la déesse de la terre apparut : << J'en suis témoin ! >> dit-elle. Mâra vaincu, ses armées refluèrent et s'évanouirent.
10. L'atteinte du plein Eveil
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Après la défaite de Mâra, le Bodhisattva retrouva l'état méditatif du premier dhyâna qu'il avait éprouvé autrefois puis parvint graduellement au quatrième dhyâna, un état d'équanimité claire et pure. Au cours des trois veilles de la nuit, il développa les trois sortes de connaissances supramondaines :
- A la première veille, il se rappela toutes ses vies antérieures.
- A la deuxième, il vit le karma de tous les êtres et la ronde de leurs renaissances dans la souffrance.
- A la troisième veille enfin, à l'aube, juste avant le lever du soleil, il réalisa la nature impermanente et conditionnée de tous les phénomènes et atteignit le plein Eveil, l'illumination parfaite d'un bouddha, qu'il exprima par ces simples mots : << Profond, paisible, dénué de complexité, clarté lumineuse incomposée. >>
Pendant une semaine, le Bouddha contempla le sens de sa découverte. Un gros orage survint et Mucilinda, le roi des Nâga, sortit du sol avec ses sujets, enveloppa le corps du Bouddha de ses anneaux et étendit son capuchon au-dessus de sa tête pour le protéger.
11. La mise en mouvement de la roue du Dharma
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Après son Eveil, le Bouddha examina comment il pourrait enseigner son Dharma d'Eveil aux autres, mais il lui parut trop profond et trop subtil pour être compris des Hommes dominés par l'attachement et l'esprit ordinaire. Il se retira dans la forêt et c'est alors que le dieu Brahmâ Sahampâti, connaissant ses pensées, se manifesta à lui : << Je t'en prie, ne demeure pas dans la forêt tel un rhinocéros [...] Tous les Sugata du passé ont accompli leur voeu et mis en mouvement la roue du Dharma immaculé. Fais de même ! >> Il dit et offrit au Bouddha une conque blanche symbolisant le son du Dharma. Le Bouddha accepta et délara : << Les portes de l'au-delà de la souffrance sont ouvertes à tous ceux qui veulent entendre ! >>.
S'étant rendu à Sârnâth, près de Bénarès, au parc des Gazelles, il retrouva ses cinq compagnons d'ascèse. D'abord réticents, ils virent qu'un grand changement s'était produit et l'accueillirent en lui lavant les pieds. Le Bouddha leur annonca par deux fois qu'il était à présent un tathâgata, un "ainsi-allé", et ils acceptèrent d'écouter son enseignement. Pour la première fois, quarante-neuf jours après son Eveil, le Bouddha mit en mouvement pour eux la roue du Dharma en proclamant les quatre nobles vérités.
En entendant la première strophe de l'enseignement, Kaundinya obtint l'oeil du Dharma en faisant l'expérience intérieure de la profonde connaissance intuitive des quatre vérités et devint un ârya. Aussitôt, la nouvelle se répandit chez les dieux que le Bhagavat (Bienheureux) avait mis en mouvement la sublime roue du Dharma et qu'aucun pouvoir ne sautait dès lors l'arrêter.
A la deuxième strophe prononcée par le Bouddha, les quatre autres, Vâspa, Bhadrika, Mahânâman et Ashvajit, réalisèrent aussi la voie de la vision, tandis que Kaundinya obtenait l'état d'arhat.
A la troisième, tous devinrent à leur tour des arhat. Ainsi commença la communauté ou Sangha. D'autres disciples, moines et laïcs, se joignirent au petit groupe et il y eu bientôt 60 arhat autour du Bouddha. Celui-ci les envoya alors répandre le Dharma.
Après avoir mis en mouvement cette première roue du Dharma destinée à établir l'enseignement des quatre nobles vérités, les douze nidâna et la discipline monastique du Vinaya, le Bouddha enseigna pour la deuxième fois à Râjagriha, au pic des Vautours, l'année suivant son Eveil. Selon le Mahâyâna, c'est là que pour la deuxième fois il mit en mouvement la roue du Dharma à l'intention des bodhisattva à l'intellect pénétrant tels que Manjushri et de disciples éclairés tels que Shâripûtra et Subhûti. Pour eux, le Bouddha exposa la prajnâpâramitâ, la "connaissance transcendante" qui a pour objet la vacuité.
Enfin, un an plus tard, à Vaishâli et en d'autres lieux tels que le mont Malaya, toujours selon la tradition du Mahâyâna, le Bouddha fit tourner pour la troisième fois la roue du Dharma, destinée elle aussi aux bodhisattva, et leur révéla la doctrine de la nature de bouddha ou tathâgatagarbha.
Le Bouddha et ses disciples se déplaçaient beaucoup. Parmi les principaux lieux où le Bouddha séjourna et einseigna lors des retraites des saisons des pluies, citons, outre les trois principaux endroits déjà mentionnés, Kapilavastu, Kaushâmbî, Jvâlinî (près de Gayâ) et surtout Shrâvastî où le Jetavana, un jardin offert par un riche marchant parent du Bouddha, Anâthapindada, devint la première demeure stable de la communauté. L'Eveillé y séjourna plusieurs mois par an pendant ses vingt dernières années.
Toute sa vie durant, le Bouddha enseigna sans disctinction aux hommes, aux femmes, au bien-portants et aux malades, aux riches, aux puissants, comme aux indigents, sans aucune considération de caste, inlassablement.
Parmi ses disciples principaux figuraient les deux amis Shâripûtra et Maudgalyâyana, ce dernier étant réputé pour ses pouvoirs supranormaux, Mahâkâshyapa, Râhula, le propre fils du Bouddha, et Ananda, qui devint son fidèle serviteur. Beaucoup d'entre eux atteignirent l'état d'arhat de son vivant, mais Ananda ne l'atteignit qu'après son départ.
Parmi les rois qui furent ses bienfaiteurs et disciples, le roi Prajesanit du Kosala, le roi Bimbisâra du Magadha et son fils Ajâtashartu sont les plus célèbres.
12. Le parinirvâna
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Agé de quatre-vingts ans, à la saison des pluies, le Bouddha contracta une maladie grave. Voyant le désarroi d'Ananda, son fidèle serviteur, le Bouddha déclara : << Qu'espère donc le Sangha, Ananda ? Je vous ai donné le Dharma et je ne suis pas comme ces enseignants qui gardent un poing fermé sur des enseignements secrets >>.
A Câpâlacaitya, près de Vaishâlî, il se repose en compagnie d'Ananda. Il loue la beauté du lieu et ajoute que, si on l'en prie, le Tathâgata peut prolonger sa vie jusqu'à la fin du kalpa. Par trois fois il répète ces paroles, mais Ananda ne saisit pas l'occasion pour l'en prier. Paraissant irrité, l'Eveillé lui demande alors de le laisser seul un moment. Mâra en profite pour lui rappeler sa promesse de s'éteindre une fois le Sangha établi. Le Bouddha accepte donc de quitter la vie et, à cet instant même, la terre tremble, tandis qu'Ananda s'interroge sur les causes de ce phénomène.
Mais rien désormais n'empêchera le Bouddha de quitter ce monde trois mois plus tard. Pour raffermir le courage de ses disciples, il donne un dernier enseignement, résumant le Dharma en trente-sept points. Il y explique que le Sangha dépend du Dharma et non d'un chef spirituel, pas même de lui : << Soyez votre propre lampe, soyez votre propre refuge. Maintenez fermement le Dharma. Ne cherchez pas refuge en dehors de vous-même. Ainsi vous vaincrez les ténèbres >>.
Malgré sa maladie, le Bouddha continua ses pérégrinations pendant trois mois. Un jour, un forgeron nommé Cunda offrit un plat de porc pour le Sangha. Pressentant un danger, le Bouddha ordonna à Cunda de le servir lui seul et d'enterrer le reste du plat. Frappé d'une dysenterie fatale, le Bouddha prit soin de rassurer Cunda afin qu'aucun remords le le tourmente : << Celui qui donne au Bouddha son dernier repas acquiert un grand mérite >>, lui dit-il.
Au petit village de Kushinagara, le Bienheureux s'étendit sur une couche aménagée entre deux arbres sâla en pleine floraison malgré la saison. Une foule de laïcs et de moines et tous les dieux s'assemblèrent, dit-on, pour être témoins de son entrée en nirvâna. Il invita le sangha à confesser ses doutes concernant le Dharma, mais les moines demeurèrent silencieux.
<< Ananda, dit le Bouddha, aucun d'entre eux n'a d'inquiétudes. Tous atteindront l'Eveil, c'est certain >>. Puis il prononça ces dernières paroles : << Tous les phénomènes conditionnés sont sujets à la décomposition. Atteignez la perfection grâce à une pratique diligente ! >>.
Couché sur le flanc droit, il quitta le monde dans un état de profonde méditation et la terre trembla en signe de son parfait accomplissement. Après sept jours de funérailles où les plus grands honneurs lui furent rendus par les princes Malla, le corps du Bouddha fut incinéré et ses reliques furent divisées en huit parts pour être distribuées aux chefs de clans, qui érigèrent huit stûpa pour les contenir.
=> LE BOUDDHA SHAKYAMUNI SELON LE HINAYANA ET LE MAHAYANA
Pour les écoles du Hînayâna comme pour celles du Mahâyana, le Bouddha historique n'est pas le premier ni le dernier bouddha à se manifester sur terre. Il est le septième de la liste dans le Hînayâna, après Kâshyapa, et sera suivi par Maitreya dans le futur. Dans l'Aryabhadrakalpikasûtra mahayaniste, il est le quatrième de cette ère fortunée qui en comptera 1002.
C'est surtout par rapport à la conception de ce qu'est un bouddha que le rôle de Shâkyamuni a été envisagé différemment dans les différents véhicules. Selon le Theravâda, le bouddha Gotama (Shâkyamuni), après de très nombreuses vies consacrées à l'idéal du bodhisattva, a pris une dernière naissance en ce monde où il s'est éveillé pleinement. Il a ensuite montré pendant plus de quarante ans la voie de la délivrance aux êtres humains, avant de quitter définitivement ce monde lors de son parinirvâna, laissant reliques et enseignements (son "corps de Dharma", PAL. dhammakâya) pour les générations de disciples à venir.
Certaines écoles du Hinayâna du courant Mahâsanghika, telles que les Lokottaravâdin, considéraient cependant que la dimension du Bouddha dépassait cette seule dimension humaine et que sa manifestation sur terre n'était qu'un corps spirituel miraculeusement manifesté en ce monde (SK. manomayakâya), le Bouddha lui-même étant de nature supramondaine.
Le pas est franchi dans le mahâyâna avec la doctrine du trikaya, où la manifestation terrestre de Shâkyamuni est un corps d'apparition (SK. nirmânakâya) advenu pour "démontrer" la possibilité de l'Eveil aux êtres de ce monde, corps émané du dharmakâya ou "corps absolu" du Bouddha, celui-ci s'étant déjà éveillé auparavant dans le royaume céleste d'Akanistha, le plus élevé des cieux de la forme pure.
Il n'est pas le seul bouddha à pouvoir oeuvrer pour les êtres, ni la seule manifestation à le faire. Il arrivera même que d'autres bouddhas tels qu'Amitâbha ou Bhaisajyaguru éclipsent Shâkyamuni dans certaines écoles du Mahâyâna sino-japonaises.
Dans le Sûtra du lotus, la dimension historique de Shâkyamuni est nettement transcendée et l'on y affirme que la durée de vie du Tathâgata est inconcevable. Au Tibet, Padmasambhava (TIB. Guru rin po che) sera considéré comme un second bouddha, voire comme une émanation spécifique destinée à diffuser les enseignements vajrayâna, et son rôle dans l'école Nyingmapa tend parfois à égaler celui de Shâkyamuni.